Elle s'approcha des premières habitations, le quartier était plutôt huppé... rien ne lui échappait : du linge fin qui sèche, des volants de raquettes en vraies plumes qui traînent dans un jardin, tiens ! un joli parasol, des coussins de soie, les vestiges d'une soirée, bouteilles vides, vaisselle... « Les volets sont encore tous clos, avec un peu de chance je ne croiserai personne avant d'atteindre le jardin anglais... » Là, à l'abri derrière les bosquets de lauriers roses, elle pourrait tranquillement attendre le premier wagon de filles se rendant au gynécée...
Elles ne se firent pas attendre bien longtemps... Des voix haut perchées, des rires, quelques petits cris... les voilà ! Il fallait faire vite ! Elles étaient une petite douzaine et avaient à peine dépassé la cachette d'Idole, lorsqu'elle se faufila comme un chat à leur suite, minaudant et riant sur le même ton et devant le regard surpris de l'une d'elle, lui attrapa gentiment la main et dans un sourire à faire fondre la banquise lui susurra à l'oreille : « C'est toi la plus jolie ! » Toute suspiscion s'était immédiatement envolée. Idole était admise dans le groupe. Il n'y avait que le cerbère dont il fallait se méfier... Il s'était mis à scruter ses petites brebis... Se dissimulant tant bien que mal derrière les unes puis les autres, tout en ayant l'air détaché... « C'est pas un peu fini ! tonna subitement la voix mâle, en rang par deux et plus vite que ça ! Ça gigote dans tous les sens, ça se bouscule ! Vous allez finir par tomber et je n'ai que deux bras, je ne pourrai pas toutes vous consoler ! Allez ouste et en silence !» Il s'était visiblement levé du mauvais pied...Les filles obéirent sur le champ, le rose aux joues, et Idole fit de même... mais le rose de ses joues à elle était celui de la colère...