La plupart des tests sont assez bateau et quelques minutes de repérage suffisent à les comprendre :
Depuis l’effondrement du capitalisme et la mise en place d’une politique de travail orienté vers la satisfaction des besoins locaux, l’obsession de qualité a remplacé l’ancien dogme de productivité à tout prix, au point que dans ce genre d’usine, le temps et l’énergie humaine consacrés à la recherche et au contrôle du produit dépasse de très loin celui dévolu à la production elle même. Naturellement, il faut ajouter que l’automatisation désormais complète des tâches répétitives contribue dans une grande part à ce phénomène. Les ouvriers, ou manutentionnaires, ou agents de production… peu importe comment l’on appelait ces esclaves des premiers âges de l’ère industrielle, n’existent définitivement plus. A leur place, on trouve aujourd’hui surtout des mécaniciens pour l’entretient de la ferraille, des laborantins qui dosent les mélanges et contrôlent le produit, des comptables et des administrateurs, tous formés à un niveau de compétence dépassant de loin leur fonction quotidienne. Même les agents de sécurité sont de véritables artistes dans leur domaine et il n’y a qu’une démonette comme toi pour ne pas les craindre.
Dans ce type d’organisation, il ne faut pas s’étonner de trouver un laboratoire tous les cent ou deux cent mètres dans l’entreprise, tous ayant probablement des fonctions générales communes mais aussi une fonction spéciale bien précise. Celui dans lequel tu es entrée semble malheureusement s’en tenir aux travaux routiniers : contrôle du PH, de la quantité d’eau par pesée de la matière sèche, du taux de matière grasse, de la quantité de sel. Bien sûr, tu n’es pas spécialiste mais tout ça te paraît des plus ordinaires. Même si tu ne t’attendais certainement pas à tomber, comme par miracle, sur une éprouvette annotée « contrôle de virulence », c’est quand même décevant.
Tu t’interromps tout à coup dans ton travail ; derrière la cloison du laboratoire t’es parvenu le bruit d’une conversation entre deux employés.
« Et avec ta femme, ça se passe comment ?
_Ofh, coup-ci coup-ça, je crois qu’elle m’en veut. Tu sais, il y a trois jours elle a pris un bon coup de froid. Paniqué comme je suis, j’ais appelé le médecin et je l’ais cloué au lit pour la journée. Elle a raté sa répétition, la prof l’a très mal pris et, depuis, elle fait sa crise… elle s’imagine qu’elle sait plus jouer ! Tu l’as déjà entendu au piano ma mésange, tu sais ce qu’elle est capable de sortir.
_Elle est tout bonnement géniale… »
Et blablabla et blablabla…. Sauf que ça blablablate de plus en plus près.